Il y a quelques minutes, j’ai décidé de profiter du dictionnaire qui était à mes côtés et je me suis dit que je choisirais un mot au hasard pour ensuite tenter d’écrire une anecdote sur le « sujet ». Croyez-le ou allez vous faire cuire un œuf aux Bahamas, mais je suis tombé sur le mot « bonheur ». À mon plus grand désarroi, naturellement. C’est un sujet très inspirant, peut-être trop, même! Il y en a long comme la Grande Muraille de Chine à écrire sur le bonheur. Ça ne finirait plus. Mais comme je rechignais à l’idée de piger un second mot, j’ai fouillé dans mes souvenirs récents et y ai puisé une toute petite anecdote que j’ai décidé de transformer en sorte de recette du bonheur (sans malice à l’endroit de ma copine, évidemment), épicée bien entendue d’une pincée d’ironie et de 3 ou 4 gouttes de sarcasmes.
La pensée m’est venue récemment lorsque ma copine a fait l’achat d’un parapluie sur lequel on avait dessiné un petit bout de Paris (avec évidemment la Tour Eiffel). Rien d’anormal jusque-là, n’est-ce pas? Mais je n’ai pas pu m’empêcher de sourire lorsqu’elle m’a montré le sac qu’elle s’était procuré au même moment et qui, ô magie, était également aux couleurs de Paris avec, lui aussi, sa Tour Eiffel bien en vue. Certes, le magasin « Le Rouet » n’a pas réinventé le marketing en offrant à ses client(e)s le sac « matchant » parfaitement avec le parapluie, mais cela m’a mis la puce à l’oreille (en même temps que l’ironie!) : et si c’était ça, le bonheur?
Que ce soit du point de vue du ou de la cliente ou encore de celui du vendeur, le résultat est sensiblement le même, pourvu que chacun y mette du sien. Quelque part, un concepteur a eu cette idée brillante mais je crains qu’il ne l’ait point poussée au bout de son potentiel. Avec un peu de chance, cet individu me lira et il saura me voler cette idée géniale ainsi que tout le crédit de l’avoir eu. Grand bien lui en fasse, je ne lui en voudrai pas. C’est offert de bon cœur, voir même de bon ton. Comme le sac au même ton que le parapluie qu’il a eu la sensationnelle idée d’accoupler.
Allez, on prend des notes à la maison, et dans tous les magasins du monde. Surtout dans tous les magasins du monde. Voici, rien que pour vous, la recette du bonheur à la sauce Matt Ouellett.
Commençons donc par ce fameux parapluie. Vous en fabriquez un que vous reproduirez évidemment en quantité suffisante. Assurez-vous de ne pas le faire trop banal, soit en y incluant des paysages, des oiseaux et pourquoi pas, un tableau de Dali. Qu’importe le motif que vous choisissez, gardez-le bien en vue car il vous sera essentiel. Une fois le parapluie terminé, mettez-le en vente où bon vous semble et attendez que la magie s’opère. Mais ne brûlez pas les étapes! Accompagnez le parapluie d’un élégant sac à main et reproduisez le motif du parapluie sur le sac. Ainsi, lorsqu’un client ayant besoin d’un parapluie se mettra en tête d’en acheter un, le rusé vendeur saura parfaitement s’y prendre pour le convaincre d’ajouter en plus le joli sac au motif identique. S’il est intelligent en plus d’être rusé, notre homme saura convaincre le client que le sac vaut très cher mais qu’il est présentement en vente pour très peu. Le client s’y laissera prendre et le vendeur, fier de lui et comique en plus, se dira que « l’affaire est dans le sac! ». Mais ne nous arrêtons pas ici et prouvons autant au vendeur qu’au client que le bonheur ne saurait se contenter de si peu!
Soyez courageux : afin de « matcher » avec le sac, créez un chapeau au même motif. Le client achètera le parapluie d’abord, puis le sac pour « aller » avec le parapluie et enfin, le chapeau qui est le complément parfait du sac. Si vous croyez que votre patron mangera dans votre main à ce stade-ci de la recette du bonheur, vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Si vous suivez mes conseils géniaux jusqu’au bout, c’est de la bave que votre patron déposera dans votre main. Avant, bien sûr, d’y coller une immense promotion et qui sait, sa lettre de démission pour n’avoir pas su être aussi brillant que vous.
La suite est des plus délectables. Fabriquez une montre et munissez-là toujours du même motif que pour le reste. Le client sera ravi de trouver une montre qui s’accommode aussi bien avec le chapeau. Poussez l’audace jusqu’à développer le crayon au motif déjà choisi. Accompagnez ensuite le crayon par le foulard, toujours avec l’image identique. Le vendeur saura trouver les arguments nécessaires pour convaincre le client qui d’ailleurs, ne demandera que d’être convaincu. Mais qui dit foulard dit automatiquement cravate, et qui dit cravate dit casquette, en autant que le motif se répète de façon identique à chaque fois. Vous conviendrez qu’il serait navrant de s’arrêter là, alors forcez-vous et sortez le briquet au même motif. Le client n’aura de yeux ensuite que pour le portefeuille identique et le vendeur n’aura qu’un mot à dire pour faire ajouter la paire de bas dans le panier encore trop vide du client. Le moment sera donc bien choisi pour arriver avec le verre à bière qui sera complémenté parfaitement par la tuque, toujours au motif identique. Mais pourquoi se gêner rendus à ce stade de la vente? C’est pourquoi il vous faudra créer l’album-photo au motif si populaire, idéal pour le « scrapbooking ». Après quoi, vous pourrez plus facilement faire accepter le porte-clefs, puis la housse de démarreur à distance. Pour ceux qui n’ont pas de voiture, cela les encouragera à s’en procurer une, mais s’ils devaient résister, vous les aurez grâce au t-shirt Che Guevarra sur fond du motif magique.
À compter de ce moment, je vous fais confiance et je doute fort qu’il en reste parmi vous qui n’aient pas encore compris le principe. Ajoutez autant d’articles que vous le désirez puis achevez le tout avec la « botte secrète », c’est-à-dire la paire de bottes de pluie au motif choisi. Le client osera alors cette question ridicule : « Mais c’est quoi le rapport des bottes de pluie? » et le vendeur aura cette incroyable répartie : « Elles matchent avec le parapluie! » Convaincu à l’extrême, le client s’évanouira ou urinera de plaisir, c’est selon. Vous n’aurez qu’à vous féliciter de votre extrême intelligence et de votre plus extrême encore bienveillance à l’endroit d’autrui. En effet, qui mieux que vous aurait pu distribuer le bonheur à aussi bon escient?
Ah, le bonheur! Qui aurait pensé qu’il passait par un parapluie?