On en avait entendu parler pour la première fois en mai dernier, alors que des images de cette policière aspergeant agressivement des manifestants qui ne faisaient pas grand chose avaient fait le tour du monde. La constable 728 était aussitôt devenue une star sur YouTube grâce à son geste d’une violence inutile. De très nombreuses plaintes avaient été déposées, au terme desquelles l’on apprenait que cette policière ne serait plus affectée aux manifestations alors très en vogue. Une information était également sortie comme quoi la constable 728 n’en était pas à ses premières frasques et qu’en 2001, plusieurs plaintes avaient encore une fois été reçues à son endroit après une intervention à l’hôpital Sainte-Justine. Visiblement, Stéphanie Trudeau est une petite Rambo dans l’âme. Ou devrait-on l’appeler Schwarzie?

Voilà maintenant que Robocopine fait parler d’elle à nouveau, en raison cette fois d’une arrestation musclée (notons ici que dans son cas, « arrestation » et « musclée » sont des pléonasmes) survenue sur la rue Papineau. Des images ont même été filmées, montrant la policière en pleine action, à faire passer Stallone pour une ballerine. On la voit même étrangler un homme dans l’escalier, c’est de toute beauté. Plus tard, dans son véhicule, le cellulaire tourne toujours et permet de capter ses délicieux propos concernant les résidants de l’endroit où elle est intervenue dans toute sa splendeur: « Pendant ce temps-là, toutes les rats qui étaient en haut dans… les gratteux de guitares, c’toute des osties de carrés rouges là, toute des artistes, astie, de, de, en tout cas, des mangeux de marde, fait que là y sont comme toute commencé à sortir de l’appartement, tsé. »
Suite à cette nouvelle intervention de cette tempête sur deux pattes, la constable 728 a été suspendue et il a été décidé qu’elle sera réaffectée à de nouvelles tâches qui ne seront plus en lien avec la population.
Erreur!!! Ne la punissez pas! Au contraire!
Voilà une excellente occasion de régler tout un paquet de problèmes un peu partout. Nous avons entre nos mains une arme de destruction massive! Envoyez-là en Syrie et en trois taloches et cinq coups de matraque, finie la boucherie! Parachutez-là en Russie et elle libérera les Pussy Riots armée d’une seule bombe au poivre et d’un coup de poing américain! L’agente 00728 vous réglera n’importe quel conflit simplement en jappant très fort et en employant la force excessive, sa plus grande spécialité!
Mais blague à part, quelle triste histoire, tout cela, et c’est bien loin d’être terminé.
Je suis aussi horrifié que plusieurs par les multiples conduites de cette policière enragée, mais je n’arrive pas à trouver qu’elle mérite qu’on s’acharne autant sur son cas. Oh, je veux bien me faire dire que j’en parle ici et parfois dans des termes peu flatteurs, mais allez parcourir le net et en moins de deux minutes, vous trouverez de véritables horreurs par des gens qui réagissent ici ou là et qui lancent les pires insanités. Bien entendu, il y a ceux qui ne peuvent s’empêcher de la déclarer lesbienne frustrée. Ceux-là, ils ne surprennent personne, il ne vaut même pas la peine de s’y attarder. Sur Facebook, on trouve des gens qui ont divulgué son adresse personnelle. Faut le faire! Quand bien même elle serait la policière incompétente que l’on imagine, ne pousse-t-on pas le bouchon un peu loin? Vu les propos qu’elle a tenu sur les carrés rouges et les artistes, et la haine propagée à son endroit, il existe des gens qui croient vraiment que c’est là une bonne idée que d’afficher l’adresse personnelle de Stéphanie Trudeau? Je ne prends pas sa défense, bien au contraire. Mais tomber plus bas qu’elle n’est pas non plus une solution. Quelle sera la suite de l’histoire si une manifestation monstre s’organise devant chez elle? Ou pire: si un seul dérangé décide d’aller lui régler son cas?
Mais j’ai vu encore pire. Oh, ce n’était pas une majorité de gens qui allaient en ce sens, mais le seul fait qu’ils existent et osent énoncer de telles absurdités, j’en ai encore la chair de poule… Et pourtant, ils l’ont fait. J’ai lu des commentaires invitant la policière à se suicider, d’autres à subtilement suggérer que la solution réside dans cette fin. De tels propos méritent de s’y attarder autant que les actions de la constable 728. La bêtise dépassera toujours la bêtise.
Évidemment, ils s’en trouvaient aussi, et plus nombreux, à exiger que Stéphanie Trudeau reçoive de l’aide. Pourquoi de l’aide? Elle a beau être policière, il est difficile de croire qu’on commet des actes d’une violence aussi gratuite alors que tout va pour le mieux dans notre vie personnelle. Ou alors, c’est au sein de la police qu’il y a un problème d’une rare gravité. Car si aujourd’hui, tous ses collègues la condamnent et que les autorités prennent les mesures qui s’imposent plus ou moins (suspendre avec salaire, ça donne quoi?), il reste que tout ça goûte mauvais, très mauvais. Et le détail qui m’inquiète le plus dans les événements de la rue Papineau, c’est lorsque j’écoute la policière faire son rapport, je constate qu’elle le fait en toute impunité. La personne à qui elle s’adresse, très certainement un supérieur, ne la rabroue aucunement. Il l’écoute sans la remettre à sa place, sans l’empêcher d’utiliser les mots et les formules qu’elle utilise. Certes, il n’était pas sur les lieux et il ignore encore tout ce qui concerne cette intervention particulière, mais il est tout de même inquiétant de voir qu’elle peut exprimer sa libre pensée aussi facilement, dans une banalité qui donne franchement le goût de vomir. Et ce haut-le-cœur ne diminue absolument pas lorsqu’on pense que si le hasard n’avait pas fait en sorte que les propos de la policière soient enregistrés (et filmés) et deviennent publics, au mieux, l’on aurait entendu parler d’une vague arrestation sur la rue Papineau.
Il existe très certainement de nombreux policiers et policières qui n’agissent pas du tout comme leur collègue, mais on ne peut pas non plus croire qu’elle est totalement la seule. Si elle était à ce point unique dans ce service, elle se sentirait suffisamment mise à l’écart et rejetée de tous ses collègues pour quitter son emploi. Mais puisqu’elle l’occupe encore, c’est certainement qu’elle y est suffisamment à l’aise pour croire que ses méthodes ont du bon. Peut-être même reçoit-elle une bonne part de support lorsque ses frasques ne se retrouvent pas dans les médias. Combien d’autres policiers auraient agi exactement comme elle dans les mêmes circonstances? Je suis incapable de répondre « aucun », il n’y a qu’à penser à des histoires comme l’affaire Villanueva. Et même s’ils sont minoritaires au sein du corps policier, cela reste troublant. Mais pas autant que d’imaginer qu’ils sont plutôt moulés sur la constable 728…